Parmi les nombreuses conséquences de la mondialisation, nous voyons augmenter le nombre d’interactions entre personnes d’origines culturelles et linguistiques différentes. Ces interactions ont lieu dans des contextes tels que des rendez-vous d’affaires internationales, des étudiants qui partent en Erasmus, des amitiés et relations amoureuses sans frontières, des sportifs qui vont jouer à l’étranger, et bien d’autres encore.
Pour communiquer avec quelqu’un ayant une langue maternelle autre que la sienne, de nombreuses personnes peuvent heureusement s’appuyer sur une deuxième langue qu’ils ont apprise au cours de leur vie. La majorité de la population mondiale, entre 60 % et 75 % selon les études, parlent au moins deux langues. Bien que pratique, il en résulte des situations de déséquilibre linguistique où un interlocuteur parle sa langue maternelle, restant dans sa zone de confort, alors que l’autre doit s’adapter en parlant une langue non-native.
Cet article se focalise précisément sur ce type d’interaction où les interlocuteurs n’ont pas le même niveau dans la langue principale utilisée. Dans le milieu académique, on l’appelle la communication exolingue. Puisque ces interactions sont si courantes, on peut se demander s’il y a des moyens les fluidifier et d’améliorer la communication.
Mettre l’alloglotte à l’aise
Pour la personne qui ne parle pas sa langue maternelle, qu’on appelle l’alloglotte, le manque de confiance est une barrière majeure à la communication. C’est bien pour cela que beaucoup plaisantent en disant qu’ils parlent mieux après avoir bu quelques verres. Tout comme l’alcool, les interlocuteurs natifs ont des cartes à jouer pour rassurer les non-natifs et booster leur confiance pendant ces interactions.
Il s’agit de faire en sorte que l’alloglotte n’ait pas peur de parler dans sa langue non-native. D’abord, les compliments sur n’importe quel aspect linguistique peuvent faire beaucoup en cette matière, tout comme les petites interventions pour confirmer à l’autre que l’on comprend bien. Le locuteur natif peut aussi être rassurant en exprimant qu’il ne parle pas la langue de l’alloglotte, et que malgré des difficultés, l’alloglotte fait mieux que ce qu’il ferait lui-même. En outre, les natifs peuvent explicitement minimiser l’importance des fautes au cas où elles créeraient un blocage chez l’alloglotte. L’humour peut aussi être utilisé dans certains contextes pour détendre l’atmosphère et faire passer les difficultés linguistiques au second plan. Enfin, remercier l’alloglotte de faire l’effort de parler dans une langue dans laquelle il n’est pas à l’aise serait une expression de politesse qui pourrait aussi le rassurer.
Usage du codeswitching
Le codeswitching consiste à passer d’une langue à l’autre ou d’emprunter des mots d’autres langues. Dans de nombreux systèmes éducatifs, nous avons appris que les langues doivent rester pures, qu’elles ne doivent pas être mélangées. Or, sans ces normes, des communautés bilingues ont montré dans des contextes informels que faire du codeswitching est une tendance naturelle. Le développement du spanglish dans des communautés hispaniques aux États-Unis est un exemple phare.
Et si on devenait plus tolérant du mélange de langue dans des contextes un peu plus formels ? Ceci permettrait à l’alloglotte d’éviter des bégaiements et de s’exprimer avec plus de fluidité. Il serait aussi possible d’emprunter des expressions ou des mots qui perdent du sens lors de la traduction, tels que dépaysement, pied à terre, apéro, frileux, ou encore profiter, qui n’ont pas toujours de bons équivalents dans d’autres langues. De son côté, l’interlocuteur natif pourrait également faire du codeswitching pour faire un pas symbolique vers l’alloglotte.
Autres astuces principales durant la conversation
L’efficacité du codeswitching dépend grandement du niveau linguistique des interlocuteurs et des langues combinés, certains ayant des mots transparents pouvant aider, par exemple. Autre que le codeswitching, les interlocuteurs peuvent faire des gestes et des expressions de visage, soit en parlant pour clarifier ce qu’ils veulent dire ou carrément pour remplacer la parole si les mots ne viennent pas. Les répétitions et les reformulations sont également importantes, tout comme la simplification. Le natif doit s’habituer à adapter la complexité de ses propos : plus l’alloglotte a des difficultés, plus il faut simplifier les structures de phrase et le vocabulaire. Lorsque l’alloglotte cherche ses mots, l’interlocuteur natif peut l’aider à construire ses phrases en proposant des mots ou expressions, ou en reformulant ses propos de manière plus claire et précise.
Conseils pour les alloglottes
Il est utile que les alloglottes, qui parlent donc leur deuxième langue (ou troisième ou plus), signalent leur niveau de langue à leurs interlocuteurs natifs. Bien que l’accent leur donne déjà un bon indice, un peu plus de précision peut mieux les préparer à simplifier adéquatement leur langage et à savoir à quel point ils pourront faire usage du codeswitching. De plus, les alloglottes ne doivent pas se retenir lorsqu’il s’agit de demander à l’autre de répéter ou de reformuler les mots ou les phrases qu’on ne comprend pas. Ceci dit, le locuteur natif de l’interaction aura plus d’outils pouvant faciliter le bon déroulement de l’interaction.
Dans le monde du football, on dit souvent que les grands joueurs font aussi briller leurs partenaires sur le terrain. Ils font des belles passes pour mettre leurs partenaires dans des conditions idéales. Ils s’adaptent au jeu des autres pour faire valoir leurs points forts. Ils utilisent leurs qualités de leadership pour motiver et encourager l’équipe. L’idée ici n’est pas si différente : lorsque deux personnes parlent une langue qui est maternelle à uniquement l’une d’entre elles, le locuteur natif peut améliorer la communication du locuteur non-natif grâce à certaines stratégies et comportements qui peuvent être appris et pratiqués.
Par Eizo Lang-Ezekiel
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