Management interculturel en Algérie, le défi français?

Si la mondialisation a ouvert les frontières, la compréhension des univers et des réalités locales a fait du management interculturel une figure imposée… Et un véritable facteur clé de succès. Les relations entre la France et l’Algérie illustrent particulièrement la nécessité de bien accompagner les managers français localement.

Entre proximité géographique, culture méditerranéenne partagée et histoire mêlée, il s’agit de bien identifier les paramètres à prendre en compte pour créer le socle d’une collaboration fructueuse et optimiser les performances des équipes. Le management interculturel prend alors tout sons sens en mettant en relief les spécificités de chaque culture, et en évitant de commettre des “impairs” parfois lourds de conséquences.

La réalité algérienne, l’« univers de sens», selon d’Iribarne (1989) ou comme « fond culturel commun », selon Mutabazi (2007), semble être encore négligée par les collaborateurs français travaillant sur place. Il apparaît que l’accompagnement interculturel des équipes soit insuffisamment pratiqué et qu’émerge encore régulièrement la question des discontinuités culturelles et historiques.

Nos recherches démontrent que des progrès doivent encore être réalisés dans l’appréhension de ces aspects humains qui sont au centre de toute réussite. Nous vous livrons quelques éléments de réflexion de notre dernière étude*.

Une histoire commune : un leurre pour la compréhension des comportements

L’Algérie depuis sa colonisation entretient de fortes relations économiques avec l’Hexagone, même si la France est passée récemment au 2e rang des partenaires commerciaux après l’Espagne.

Le contexte historique douloureux ne se cantonne pas qu’aux 132 ans de colonisation.

« Il n’existe pas de principes universels qui guident la gestion des femmes et des hommes (…) les formes de gestion les plus performantes ne sont pas celles qui se conforment aux principes du « one best way » » (Crozier, Friedberg, 1981)Il s’agit donc de trouver ensemble des réponses adaptées, et de les intégrer dans des formations au management interculturel.

En Algérie, plus encore, « il faut identifier les repères historiques et leur impact sur les conditions de travail » comme le dit Mohamed Benguerna (2014). L’idée que le monde s’est fait de l’Algérie a été pensée en France, à partir des travaux des intellectuels français ou algériens installés en France.

Quand l’Algérie obtient son indépendance, elle associe la « modernisation » du pays aux schémas mentaux qui prévalait alors en Occident. L’Histoire est probablement ignorée dans sa complexité par les managers français sur place, qui n’ont pas bénéficié de préparation particulière avant leur expatriation.

Nous nous trouvons devant de nombreuses décalages entre colons et indigènes, francophones et arabophones, citadins et ruraux, Nord, Sud et régions, Berbères – autres minorités et Arabes, modernistes et Ulémas.

Aucune autre colonie française n’a subi une telle amputation de ses habitudes et traditions : discorde et sang répandu en 1962, nationalisations de force, ensuite la période de l’influence soviétique qui détruit les environnements sans créer de richesse (la maladie hollandaise), puis une libéralisation hâtive en 1990, vite remplacée par la sanglante guérilla islamiste.

Un management aux airs écartelés

En termes de management, la question de la compétence est centrale : la scission entre Français et Algériens se confronte d’une part à la gérontocratie et à la bureaucratie, et d’autre part au système de cooptation des proches qui privilégie l’embauche à l’intérieur des clans au détriment éventuellement des compétences. Un équilibre parfois subtile.

Il n’y a probablement pas de « modèle implicite de gestion de type algérien » (Mercure, 1997).

Comment, dans un tel contexte, accompagner des managers français en Algérie ? Nous pensons que les heurts qui nous ont été relatés entretiennent des préjugés qui tendent à renforcer l’idée du « choc des cultures » (Vinsonneau, 1997).

Les interviews que nous menons de façon régulière présentent des exemples de zones d’incertitude qui sont susceptibles de déstabiliser le manager. Il renforcent la nécessité de les accompagner par un management interculturel.

On peut prendre pour exemple, le site gazier d’In Amenas, les collaborateurs pouvaient avoir des liens de parenté qui étaient volontairement occultés ou encore les règles en usage n’étaient pas divulguées aux managers étrangers.

Que peut-on en dire ? On assiste là à une volonté d’inversion des anciens pouvoirs pour des générations qui n’ont pas connu la période coloniale.

Par ailleurs, la gestion des conflits du côté algérien semble s’opérer de manière plus directe, moins formelle, plus véhémente que ce à quoi les managers français ont l’habitude d’être confrontés. Ces rapports de force semblent souvent bénéficier aux Algériens qui stratégiquement, renversent la situation de dirigeant – dirigé.

La résistance au changement revient souvent dans les dialogues. Il est facile de se référer à l’époque dite de « l’industrie industrialisante ».

Mieux comprendre les dimensions culturelles en Algérie

Comme le plus souvent c’est le rapport au temps à tous les niveaux qui marque le premier décalage. Ensuite, la place de l’écrit est à repenser, car les managers ne sont pas à l’aise avec l’habitude prééminente de l’oral. Pourtant l’écrit est la part sacrée de l’érudition religieuse.

C’est en contrepoint que surgit ici la figure mythique de l’insurgé. On l’appelle « Amazigh », terme qui désigne le berbère, mais aussi dans cette langue, le rebelle et par combinaison sémantique, l’homme libre. C’est parce qu’il est libre ou revendique sa liberté nomade qu’il peut se rebeller.

Dans les valeurs que partagent les Algériens, s’inscrit le rassemblement. Ce n’est pas seulement l’Umma du Coran, c’est aussi le besoin de rendre cohérente, homogène leur identité émiettée.

Enfin le rapport au bien commun semble être comparable à ce que l’on peut observer dans certains pays de l’ancien bloc de l’Est, comme pour la compétition à la non-performance : attitude qui veut que l’on soit motivé pour faire en sorte que rien ne marche.

Le paradoxe du manager français en Algérie

Le manager français en Algérie n’occupe pas une place facile dans la mesure où il se trouve entre deux modèles culturels forts. Le premier imprègne la gestion des organisations sur le standard anglo-saxon. Le second modèle culturel, local, n’isole pas l’entreprise du reste des activités humaines.

Le français est parlé dans les deux pays étudiés. Mais comment savoir avec certitude ce que les mots veulent dire, le sens caché derrière les vocables? Le fameux « trésor de guerre » que les Algériens ont gardé par la langue française, véhicule de nombreuses représentations, parfois contradictoires. Comment faire de cette base un véritable ciment du management interculturel?

Que retenir de cet aperçu ? Les 132 années de la colonisation cachent par la vision stéréotypale véhiculée, l’univers de sens si nécessaire pour les formations des managers.

Et l’image de l’Algérie en France n’est pas moins complexe que celle de la France en Algérie.

L’Algérie est un pays en plein développement, bénéficie de potentialités touristiques inexploitées, et possède des richesses incalculables dans son sous-sol bien sûr, mais sa véritable richesse sont ses hommes et ses femmes, une population (active) qui est jeune et de mieux en mieux formée.

Une opportunité unique pour développer une collaboration fructueuse basée sur l’écoute et la compréhension de nos différences.

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7 réflexions sur “Management interculturel en Algérie, le défi français?”

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